A l’occasion du mois de sensibilisation au cancer de la vessie, les urologues de l’AFU souhaitent sensibiliser les hommes et les femmes aux symptômes pouvant alerter sur ce cancer. En effet, 4e cancer de l’homme et 7e cancer féminin, mais aussi 8ème cancer en termes d’incidence (nombre de nouveaux cas par an) en France, le cancer de la vessie est trop souvent oublié et certains facteurs de risques minimisés.
Une maladie trop souvent oubliée Même si son incidence a légèrement baissé depuis les années 80, le cancer de la vessie est responsable d’environ 5 000 décès chaque année en France, principalement chez l’homme.
Les formes découvertes précocement, au début de leur évolution sont majoritaires et sont heureusement les plus accessibles à la guérison. Les décès sont en rapport avec une maladie découverte trop tard, au stade où il existe des métastases. De fait, avec une médiane de survie globale de seulement 5 à 7 mois avec un traitement standard, le cancer de la vessie métastatique est l’un des cancers au pronostic le plus sombre et l’un des grands défis de l’urologie des années 2020.
Ainsi, 13 000 personnes sont affectées de cancer de la vessie chaque année, tous stades d’évolution confondus. Il s’agit majoritairement d’hommes de plus de 60 ans. Cette prévalence masculine s’explique principalement par deux facteurs : le tabagisme et les toxiques professionnels (goudrons, solvants, colorants…). Néanmoins l’engouement des femmes pour la cigarette entraîne une augmentation de ces tumeurs dans la population féminine.
Quels sont les signes alarmants ?
Le principal signe est le sang dans les urines. L’hématurie peut ainsi être invisible à l’œil (microhématurie) et détectée par une bandelette urinaire ou au contraire entraîner une coloration des urines (macrohématurie). Ces signes ne sont pas spécifiques au cancer de la vessie : les calculs urinaires et les infections urinaires sont grandes pourvoyeuses d’hématuries. Les problèmes mictionnels tels que les envies fréquentes, les urgenturies, les brûlures urinaires, ou l’incapacité d’uriner sont aussi un signe d’appel. Là encore ils ne sont pas spécifiques puisqu’ils peuvent aussi évoquer des cystites ou des troubles prostatiques. Enfin, des douleurs dans le bas du ventre, ou d’autres signes plus alarmants (perte de poids, fatigue persistante, douleurs osseuses…) marquent la propagation du cancer de la vessie (métastases).
Tout signe urinaire (hématurie, troubles mictionnels) chez un fumeur ou une personne exposée à des toxiques professionnels doit amener à consulter l’urologue pour un bilan. Les examens viseront à déterminer s’il y a une tumeur vésicale (ou plusieurs) et le cas échéant déterminer sa localisation, son agressivité (vitesse d’évolution ou « grade ») et si la tumeur est restée superficielle (TVNIM) ou si elle infiltre le muscle (TVIM).
Le tabac : 1er facteur de risque du cancer de la vessie
Quand on évoque l’effet cancérogène du tabac, on pense immédiatement aux tumeurs du poumon. Pourtant, 5 cancers sont directement liés au tabagisme. Parmi eux, le cancer de la vessie. De même, selon une récente étude Opinion Way pour l’Alliance Merck-Pfizer, les Français placent le tabac comme 2e cause probable de cancer de la vessie. Or, 40 % des cancers de la vessie sont liés au tabac.
Fumez-vous ? C’est ainsi une des questions que posera l’urologue à un patient souffrant d’hématurie ou d’autres signes évocateurs d’un cancer de la vessie. Car le tabac est le premier facteur de risque du cancer de la vessie, qu’il soit consommé sous forme de cigarette ou sous toute autre forme de combustion (cigare, pipe, chicha…). Des études épidémiologiques confirment que non seulement le tabac est un grand pourvoyeur de tumeurs de la vessie, mais qu’en outre, en raison des additifs ajoutés par l’industrie, ce risque est en augmentation constante. Aujourd’hui, on considère qu’un fumeur a 5,5 fois plus de chance d’être victime d’un cancer de la vessie qu’un non-fumeur. Et ce d’autant plus qu’il aura commencé à fumer plus jeune, et que sa consommation sera élevée.
Parmi les autres facteurs incriminés, nous pouvons citer certains toxiques professionnels utilisés dans la chimie (colorants, teintures…), les travaux publics (goudrons), la réparation automobile (fumée de diesel…) ou l’agriculture (arsenic). Des infections régulières et des inflammations de la vessie (cystites), certaines maladies comme la bilharziose et certains traitements peuvent également accroître les risques…
Quelle prise en charge thérapeutique ?
70 % des diagnostics sont réalisés au stade non infiltrant (TVNIM). C’est-à-dire que la tumeur est encore superficielle (elle n’a pas pénétré le muscle). Superficielle ne veut pas dire pour
autant bénigne. Il existe 3 situations :
– La tumeur est unique, c’est un premier épisode isolé, de faible grade. Le risque de récidive est faible.
– La ou les tumeurs sont non infiltrantes mais à haut risque, très agressives. Elles récidivent fréquemment et peuvent évoluer vers un cancer infiltrant.
– Entre les deux extrêmes se trouvent les tumeurs intermédiaires.
Le traitement des tumeurs superficielles varie selon le risque évolutif. Si le risque est faible, une simple surveillance endoscopique peut suffire. Les deux autres groupes auront des instillations endovésicales. Du BCG pour les tumeurs à haut risque et de la mitomycine pour les tumeurs à risque intermédiaire, afin de diminuer le risque de récidive. Endoscopies et biopsies sont réalisées régulièrement, d’autant plus souvent que la tumeur est plus agressive.
Dans le cas où le cancer de la vessie est diagnostiqué au stade où la tumeur est déjà infiltrante (TVIM), il s’agit alors d’un cancer potentiellement de mauvais pronostic (survie à 10 ans estimée à 47%). Pour cette raison il n’existe plus de place pour un traitement qui conserve la vessie. Une ablation de la vessie (cystectomie) devient alors nécessaire le plus souvent afin d’éviter la survenue de métastases.
Enfin c’est en cas de cancer avec métastases que le risque de décès est très élevé et que des traitements efficaces sont attendus depuis de nombreuses années. De récents progrès médicaux ont été observés dans les formes avancées ou métastatiques notamment grâce à l’immunothérapie. En effet, les cancers savent se rendre furtifs au système immunitaire. C’est en partie dû à des mécanismes d’inhibition des lymphocytes T. Le principe de l’immunothérapie consiste donc à « réveiller » le système immunitaire afin qu’il s’attaque au cancer. De nouvelles générations d’inhibiteurs de check-point, permettent de lever l’immunosuppression provoquée par les tumeurs. Deux anticorps en particulier sont très prometteurs pour les formes résistantes aux chimiothérapies et les formes métastatiques, les anti-PD1/PDL1 et CTLA4.
Pour autant, « la prévention du tabagisme est essentielle, de même que la détection précoce de ces cancers est nécessaire afin d’éviter les formes graves pouvant mettre en jeu le
pronostic vital et nécessiter des traitements lourds » conclut le Pr Yann Neuzillet, urologue et responsable du comité vessie de l’AFU.